dimanche 1 mars 2009

Chauffeur, fais moi peur !

Beaucoup de peuples adorent conserver les stigmates du passé comme des trophées. Les traces encore visibles des balles qui ont tué Guillaume d'Orange, le père de la nation néerlandaise, dans les murs du Prinsenhof de Delft doivent être les plus vieilles marques de ce genre que j'ai pu voir à ce jour. Quatre-cent-vingt-cinq ans et pas une ride comme on dit !

A noter également que garer sa voiture à Delft offre autant de sensations fortes que jouer à la roulette russe. Dans la vieille ville, les voitures se garent en moyenne à vingt centimètres du bord du canal. Aucune barrière, aucun rebord, aucune butée ne protège du précipice. Autant dire que chaque mouvement peut être fatal !

samedi 28 février 2009

Café à vélo

Les cafés sont nombreux à Amsterdam mais l'un tire son épingle du jeu par son originalité : il s'agit du fietscafé ou d'un bar embarqué à vélo, croisé aujourd'hui dans le Jordaan. Les clients non seulement payent pour louer le véhicule mais doivent en plus pédaler pour le faire avancer, tout en trinquant. La musique à fond remplace les pétarades d'un moteur. Les naïades à la peine de cette drôle de fontaine à bière m'eussent volontiers donné envie de monter à bord pour les soulager, mais le chariot était malheureusement déjà plein.

mardi 24 février 2009

Palimpsestes

Les noms néerlandais ne manquent pas de pittoresque. Certains noms de villes pourtant respectables comme 's-Hertogenbosch (Bois-le-Duc, chef-lieu du Brabant-Septentrional) ou 's-Gravenhage (La Haye, ou la haie du comte, qui bien que siège du gouvernement, n'est pas la capitale du pays) ont même gardé leur apostrophe en tête dans leur dénomination officielle, comme des enfants devenus grands dont on aurait oublié de renoncer au surnom. Certains nom propres partagent également cette caractéristique improbable. La langue néerlandaise a sédimenté des couches de langue éparses sans que personne ne s'en émeuve : les prénoms des uns hésitant entre leur version écrite quasi-latine et leur variante populaire à l'oral, les mots de tous les jours balançant entre les langues des dominants du moment, tantôt 'pardon' et une flopée de mots français du XVIIIème siècle, tantôt 'sorry' et un cortège de mots de l'anglais contemporain. Autre signe de ce cheminement au travers du temps mal abouti, le statut de la conjonction du i et du j. Même les Hollandais eux-même ne savent pas s'il faut lire ij ou ÿ. L'équivoque demeure aujourd'hui encore savamment entretenue.

dimanche 22 février 2009

Kleinburgerlijk

Un de mes amis hollandais est formel, l'idéal de ses compatriotes est petit-bourgeois. Je ne peux pas mieux dire en voyant Madame et Monsieur monter dans le train arrêté à l'aéroport. Certainement ces bourgeois dans la force de l'âge reviennent d'un voyage au soleil, on en manque tant en cette saison. Monsieur, tout concentré à paraître détaché et sérieux, porte une cravate bleue rayée blanc en oblique sur une chemise blanche aux rayures bleues verticales ; ses chaussures sont marrons : la classe hollandaise ! Madame essuie la tablette devant elle d'un mouchoir au bout des doigts avec un air de profond dégout et y pose néanmoins son sac, la griffe prada bien en évidence. Elle lit son tabloïd avec les airs d'une grande dame plongée dans le Mercure Galant, les lèvres pincées et les cheveux permanentés. De clinquantes perles pendent à son cou. Enfin on arrive, vite sortons ! Ah si la première classe pouvait coûter moins cher que la seconde...

mercredi 18 février 2009

Precies gezellig

Chaque peuple se croit doté d'un mot qui caractérise ce que nulle langue ne sait mieux dire ailleurs. Gezellig est le mot des Néerlandais, comme gemütlich serait celui des Allemands ou terranga celui des Sénégalais. Comme je ne suis pas du pays, il est hautement improbable que je parvienne à vous en faire comprendre la signification. Quoi qu'en laisse penser la sonorité - ce mot arrache la gorge de qui le prononce - il s'agit dans l'idée du sentiment de confort chaleureux et relaxant, partagé dans une ambiance intime : prendre un verre dans un café brun un peu daté et à la lueur des bougies avec ses bons amis est le comble de la gezelligheid !

La mode des lieux et des époques veut également que l'on s'accorde à ponctuer les conversations de toujours la même expression. Il semblerait qu'en ce moment il suffise de savoir dire precies (exactement en français) pour être un néerlandophone accompli ! Dès que la voix d'un interlocuteur un peu volubile faiblit ou que son œil cherche votre approbation, gavez-le d'un precies en retour et vous ne pourrez pas être plus impliqué dans la conversation.

samedi 14 février 2009

Randonnée au vert

Désormais tout se trouve, s'échange et se consomme sur internet, même les amis. Je viens d'éprouver ma première expérience de randonnée avec des inconnus rencontrés sur la toile. Inconnus ? En fouillant au fond de soi, on s'aperçoit qu'on se connaissait mieux qu'on ne le croirait. Expatriés de la finance, lettrés girovagues, designeurs pérégrins, trop agés pour l'oisiveté des étudiants, trop jeunes pour une vie casanière, tous ressentent l'appel du large et n'en cherchent pas moins une aimable compagnie pour en jouir le week-end venu. En vérité notre société était suffisamment homogène pour se plaire et assez variée pour se distraire.
Du lac dont nous devions faire le tour, nous n'avons vu que fugitivement l'empreinte. Le parcours nous a porté entre les marelles de mottes noyées des pacages et les pistes rectilignes et dégagée des cyclistes. La beauté des paysages d'ici ne vient certes pas des perspectives et des panoramas : la campagne est, quoi qu'il arrivé, cinglée par les raies d'autoroutes et de voies ferrées trop fréquentées pour qu'on les oublie. Mais qui sait concentrer son regard bien au dessous de l'horizon, trouvera dans le spectacle des prairies étouffant sous les étendues d'eaux un tableau dont ne rougirait pas les créateurs d'images de synthèse. Lignes de niveau et dégradés de couleurs presque artificielles prêtent leur décor aux battements et à la quiétude des oiseaux.
Avec nos pantalons boueux, nous n'avons pas poussé la soirée jusqu'à la porte d'un club. Comme le résumait si bien le facétieux de la bande, pour lui Américain, cela s'expliquait encore, mais pour nous Français, nous aurions laissé le videur déconcerté.

mercredi 11 février 2009

Le restaurant indonésien

Le restaurant indonésien est aux Pays-Bas ce que sont pour nous les restaurants vietnamiens et pour les Anglais les restaurants indiens. Celui où nous dinons ce soir affiche complet, mais en arrivant suffisamment tôt, nous parvenons à décrocher une table, à côté d'un couple de touristes français à gauche et très vite rejoints par un autre couple de touristes français à droite, guide du routard au poing. Même allure (sportswear mouillé et visage défraichi), même conversation que nous à cinq minutes d'intervalles. Abrégé de la soirée :

- J'espère que ce n'est pas trop épicé leur cuisine.
- Il y a même du gewürtztraminer de chez Dopf, on se sent chez nous, n'est-ce-pas Schotzele ? ... ben dis donc, t'as vu à quel prix ?
- Je comprends rien aux menus.
- Attends, il y a là les rijsttafels. J'ai lu dans le guide qu'il fallait absolument prendre cela !
Arrivent une multitude de plats
- Tu crois qu'on peux commencer à manger ? Regarde, les voisins ont eu plus de plats que nous.
- Y'a quand même un goût bizarre dans ces plats...
- Ca y est, j'ai trouvé, c'est de la citronelle. Cela me rappelle l'anti-moustique quand je tonds le gazon.
- Ah, tu vois, le voisin, il dit check et pas bill pour l'addition.
"Can we have ze tchek plize ?"